Ou Extrait raisonné d’un Ouvrage de M. Blu-
menbach, ayant pour titre: Specimen Ar-
chaeologiae telluris, terrarum que imprimis
Hannoveranarum.
Par l’Ingénieur des mines de France Héron de Villefosse,
Commissaire du Gouvernement Français près les mines
et usines du Harz, et Associé-Correspondant de l’Aca-
démie de Gottingue.
Persuadé qu’il est important de réunir tou-
tes les idées, tous les efforts, tous les faits qui
se rapportent à l’étude de la géologie, j’ai pen-
sé, à bien plus forte raison, que les naturalistes
français liraient avec plaisir le savant Traité
dont je présente l’extrait. L’auteur est le cé-
lèbre M. Blumenbach, qui professe à l’Uni-
versité de Gottingue l’histoire naturelle, l’ana-
tomie comparée et la minéralogie, etc. etc.
[Seite 6] Ayant eu l’avantage, depuis’ que j’habite le
pays de Hanovre, de fréquenter l’auteur, de
voir son beau cabinet, et d’étudier ses divers
ouvrages, j’ai tâché de mettre à profit ces cir-
constances, pour réunir à cet extrait particu-
lier quelques extraits des ouvrages du même
savant, fort connus dans l’Allemagne, sous les
titres de Handbuch der Natur-Geschichte,
Manuel d’histoire naturelle; Abbildungen natur
historicher gegenstaende, etc. gravures d’ob-
jets d’histoire naturelle, etc. etc.
M. Blumenbach a présenté le Traité dont il
s’agit ici plus particulièrement, non pas comme
un système complet de géologie, non pas com-
me une classification générale des fossiles, mais
seulement comme un essai d’archéologie du
globe, et principalement du Hanovre, Speci-
men archaeologiae telluris, etc. Goettingae,
1803. Sous ce titre modeste, l’auteur rassem-
ble une foule de faits géologiques qu’il a re-
cueillis ou observés lui-même, tant dans ses
voyages lointains, que dans le pays savant qu’il
habite. J’ai souvent eu le plaisir de vérifier, sur
les lieux, une partie des faits que M. Blumen-
bach cite, relativement au pays de Hanovre,
et comme il entre dans, les fonctions que j’y
remplis, de présenter au Conseil des mines de
France, les détails de cette nature, j’ai cru ne
pouvoir mieux faire, pour remplir cette partie
de mon devoir, que de payer à l’auteur du
Traité le juste tribut de mon admiration pour
ses profondes connaissances.
Parmi les fossiles désignés autrefois par la dé-
nomination impropre de pétrifications, M. Blu-
menbach ne considère, dans son Traité, que
[Seite 7] ceux dont le témoignage incontestable peut ser-
vir à faire connaître la nature, l’époque, et les
périodes successives de ces grandes catastro-
phes, auxquelles tout démontre que la terre a
été soumise.
Je ne parlerai donc point, dit l’auteur, de
tous les fossiles en général qui, jadis corps
organisés, sont aujourdhui relégués dans le
règne minéral; il ne sera question que de ceux
qui peuvent être regardés comme contempo-
rains ou interprètes de quelqu’une des grandes
révolutions de la terre; ainsi, laissons de côté,
pour ce moment, les bois pétrifiés, les écor-
ces, les feuilles, les fruits, les mousses, et les
végétaux en général que l’on trouve si abon-
damment incrustés de minerai de fer, tant au-
près des fontaines d’eaux martiales, que dans
les mines de fer dites d’alluvion. Ce sont à la
vérité des fossils; mais leur incrustation s’est
opérée lentement et sans catastrophe; une
foule de faits atteste leur origine récente; à
ce sujet, l’auteur rappelle les tombeaux épars
dans la Westphalie, tombeaux qu’il a vu re-
couverts de couches de minerai de fer, dans
lesquelles abondent les incrustations végétales,
et dont il a rapporté des urnes sépulchrales dé-
posées au beau Muséum de Gottingue.
D’un autre côté, continue l’auteur, il se
trouve çà et là, dans le sein de la terre, des
restes de corps organisés, tellement conservés
et tellement reconnaissables à leur texture in-
tacte, qu’on aurait peine à ne pas les prendre
pour des corps tout récemment privés de la
vie, si leur haute antiquité n’était attestée par
les lieux, par les situations dans lesquels ils se
[Seite 8] présentent, et par les différences que l’on re-
marque entre les débris d’êtres jadis vivans, et
les êtres analogues qui leur ont survécu jus-
qu’à nos jours; enfin, si tout ne démontrait
que ces restes de corps organisés se rangent
parmi les fossiles que nous avons à considé-
rer dans ce moment. Ici M. Blumenbach cite,
comme exemple, le fameux cadavre de rhino-
céros trouvé il y a trente ans dans la partie la
plus froide de la Sibérie, au milieu des sables
du Wilui, fossile si bien conservé, et si frap-
pant par sa ressemblance avec un rhinocéros
récemment privé de la vie, que Pallas, dans la
description qu’il en a donnée, l’appelle une
momie naturelle de rhinocéros. En même-tems,
l’auteur rappelle l’ivoire fossile qui se trouve sur
les côtes de la mer glaciale; ivoire parfaitement
semblable à celui que fournissent aujourd’hui
les éléphans d’Afrique et d’Asie; ivoire si abon-
dant, qu’on en fabrique habituellement une
grande quantité d’ustensiles, dont le commerce
principal se fait au port d’Archangel. M. Blu-
menbach m’a fait voir un morceau très-considé-
rable de cet ivoire fossile, envoyé de Russie au
Muséum de Gottingue, par M. le baron d’Asch,
digne élève de cette célèbre Université: il est
impossible de distinguer cet ivoire fossile d’un
ivoire tout récent.
Il en est de même du coquillage connu sous
le nom de murex contrarius, fossile qui se trouve
à Harwich dans le comté d’Essex. L’auteur en
possède un échantillon si frais, et d’une cou-
leur orangée si vive, qu’on dirait qu’il vient
d’être tiré de la mer. Cependant M. Blumen-
bach, dans son ouvrage intitulé: Abbildungen
[Seite 9] natur historicher Gegenstaende, avertit qu’il
ne faut pas confondre le murex contrarius
avec le murex despectus qui se trouve dans la
mer du nord(1).
Parmi les végetaux fosiles, l’auteur se borne
à citer comme exemples, les bois bitumineux
qui se trouvent aussi bien conservés que l’ivoire
dont il a été question; les charbons à tissu li-
gneux qui se présentent dans les mines de
houille et dans le ciment d’Andernach, connu
en Allemagne sous le nom de tarras; enfin
ceux qui adhèrent à des bois connus sous le
nom de bois mineralises, dans les mines d’ar-
gent et de cuivre de Franckenberg en Hesse.
Quoique les fossiles dont il vient d’être ques-
tion, et beaucoup d’autres, présentent, au pre-
mier coup-d’oeil, l’apparence d’une origine
récente, l’auteur les regarde, d’après les faits
indiqués ci-dessus, comme des témoignages de
l’antiquité du globe, comme les bases d’une
chronologie aux diverses époques à laquelle il
pense que l’on pourrait rapporter tous les di-
vers fossiles.
Ayant ainsi fait connaître sous quel point de
vue il se propose de considérer les fossiles,
M. Blumenbach les divise en classes, non pas
d’après un système particulier d’oryctologie,
mais suivant une méthode qu’il appelle chro-
nologique, c’est-à-dire, il forme diverses classes
de fossiles correspondantes aux diverses révo-
lutions du globe, tant générales que partielles,
révolutions qui semblent avoir déterminé l’état
[Seite 10] actuel de gisement et de conservation dans le-
quel nous trouvons les fossiles.
Avant de traduire cette classification, pla-
çons ici les dernières phrases du préambule de
l’auteur; elles sont la traduction littérale de
son caractère. ‘«Je ne prétends, dit M. Blu-
menbach, ni donner mes idées pour des
oracles, ni extorquer les suffrages; mais
cette liberté que nous aimons à laisser aux
autres, nous avons droit de la réclamer pour
nous-mêmes; ainsi qu’il nous soit permis,
dans les questions obscures, de proposer ce
qui est vraisemblable comme vrai, tant que
cela n’est pas démontré faux»’.
Je passe à la classification annoncée. L’au-
teur commence par les fossiles d’origine ré-
cente, remonte vers ceux qui sont plus an-
ciens, et fini par considérer les restes des pre-
miers corps organisés qui aient habité la terre.
1De là suit une division en quatre classes.
1°. La première classe comprend les fossiles
dont les analogues organisés vivent ou végètent
encore aujourd’hui aux mêmes lieux, où jadis
une force soudaine a privé de la vie les animaux
et les végétaux que ces fossiles retracent à nos
yeux.
2°. La seconde classe comprend les fossiles
dont les analogues ont à la vérité survécu à une
grande catastrophe, mais qui loin d’être de-
venus fossiles aux lieux mêmes où ils se trou-
vent aujourd’hui, doivent y avoir été charriés
par des déluges, par de violentes inonda-
tions, comme des cadavres flottans au gré des
vagues; ce que démontrent leur état de mu-
tilation et le désordre de leur gisement.
3°. La troisième classe comprend sur-tout les
fossiles douteux, qui semblent être les dé-
pouilles de grands quadrupèdes, dont la terre
nourrit encore aujourd’hui les analogues, mais
seulement entre les tropiques, et dans les con-
trées les plus éloignées du lieu de leur gise-
ment. L’auteur appelle ces fossiles douteux,
parce qu’entre eux et leurs analogues vivans,
il se trouve constamment quelques différences
qui ne permettent pas de prononcer si les fos-
siles et les êtres organisés qui leur ressemblent,
peuvent être ramenés à une même espèce plus
ou moins dégénérée, ou s’ils appartiennent à
des espèces distinctes.
4°. La quatrième classe comprend les fossiles
qui ne peuvent se rapporter qu’à l’époque la
plus reculée de l’existence du globe, à cette
époque obscure dans le courant de laquelle
notre planète, long-tems même après avoir
éprouvé des changemens complets de témpé-
rature dans ses climats, doit avoir été livrée
à d’énormes bouleversemens, qui ont totale-
ment changé et renouvelé à plusieurs reprises
la forme extérieure de son enveloppe. Dans
cette classe se présentent beaucoup de fossiles,
dont les analogues vivans ne se retrouvent plus,
et semblent avoir appartenu à une autre terre;
d’un autre côté, ces fossiles eux-mêmes, tant
par leur gisement, que par la nature et la si-
tuation des couches dans lesquelles ils sont dé-
posés, semblent avertir qu’on ne doit point les
confondre tous dans une même classe, mais
qu’ils ont été relégués dans le règne minéral
par des catastrophes d’un genre et d’une épo-
que différens; enfin, c’est la subdivision de
[Seite 12] cette dernière classe en époques successives
qui présente le plus d’énigmes à deviner, et
l’on ne saurait apporter trop de réserve dans
les conjectures auxquelles donne lieu une foule
de faits jusqu’à présent inexpliquables.
Ne semble-t-il pas, continue l’auteur, que
la division méthodique introduite par les his-
toriens dans l’étude des époques les plus re-
culées, qu’ils distinguent par les dénomina-
tions de tems mythologiques ou ténébreux,
tems héroïques et tems historiques, pourrait
aussi s’appliquer à l’archéologie du globe;
ainsi, les deux premières classes de fossiles
indiquées ci-dessus appartiendraient au tems
historique; la troisième, composée des restes
de grands animaux qui vivent aujourd’hui entre
les tropiques, et le plus souvent de restes dou-
teux, se rapporterait au tems héroïque; enfin,
la quatrième classe qui, dans l’ordre réel de
la chronologie, est sans contredit la plus an-
cienne, formerait les tems ténébreux ou my-
thologiques.
Suivons l’auteur dans l’exposé des faits nom-
breux qu’il présente à l’appui de sa classification.
1A la première classe appartient cette es-
pèce de tuf marneux qui forme çà et là de
vastes couches où l’on trouve des amas sans
nombre de roseaux, de feuilles, de racines,
et auxquelles adhèrent des quantités consi-
dérables de testacées réduites en chaux. Du
moins, cette assertion se fonde sur la situa-
tion et la hauteur de ces couches, qui semblent
attester une révolution quelconque arrivée dans
les contrées qu’elles recouvrent aujourd’hui;
d’un autre côté, il est évident que ces couches
[Seite 13] appartiennent à notre première classe de fos-
siles, puisque leur masse entière n’est formée
que de débris de corps organisés dont les ana-
logues vivent encore aux mêmes lieux; car les
os des grands quadrupèdes des tropiques ne
s’y trouvent qu’accidentellement, comme on
le verra ci-dessous.
Il est des fossiles d’un genre tout différent,
que l’auteur incline cependant à ranger dans
cette même classe. Ce sont ceux qui abondent
exclusivement dans le territoire de Oehningen,
situé sur la rive droite du Rhin, à l’endroit où
ce fleuve sort du lac de Constance. Dans le
cours de ses voyages en Suisse, M. Blumenbach
a observé soigneusement une quantité consi-
dérable de ces fossiles, tant dans les célèbres
carrières de cette contrée, que dans les beaux
cabinets de Schaffouse et de Zurich, et dans
les collections intéressantes qu’il a lui-même
formées sur les lieux. Cette contrée, dit-il,
est un magasin unique en son genre, où l’on
trouve, à l’état de fossiles, des échantillons
convaincans, non-seulement de chacun des
deux règnes, végétal et animal, mais encore
de chaque classe d’animaux et de différentes
parties de végétaux.
Ici, l’auteur, pour ne faire mention que des
objets les plus rares, cite, 1°. deux squelettes
entiers d’un mammifère de la famille des glires
(en français loirs ou muscardins), adhérens à
un schiste calcaire. (Cabinet de M. Ziegler,
médecin à Winterthur).
2°. Les os de la cuisse d’un oiseau du genre
des grallae (en français, grues, cicognes,
[Seite 14] hérons, etc.) (Cabinet de M. Amman, mé-
decin à Schaffouse).
3°. Des grenouilles. (Cabinet de M. Lavater,
médecin à Zurich).
4°. Des insectes aquatiques de toute espèce,
particulièrement du genre des aptères et de ce-
lui des hémiptères. Il cite parmi les végétaux,
outre des quantités prodigieuses de feuillages,
une fleur de renoncule qu’il a vu imprimée sur
le schiste calcaire fétide de Oehningen. (Ca-
binet de M. Amman).
Tous les fossiles d’animaux et de végétaux
que l’auteur a observés dans ces intéressantes
contrées, ne lui ont rien présenté qui ne vive
encore aujourd’hui dans le lac de Constance
ou dans ses environs, rien d’exotique, rien
qu’on ne puisse rapporter avec certitude, ou
au moins avec la plus grande vraisemblance, à
la botanique ou à la zoologie de cette partie de
l’Allemagne contiguë à la Suisse.
Ainsi, conclut-il, quelle qu’ait été la cause
qui ait autrefois changé le lit du fleuve ou du
lac, au point de laisser à sec les lieux qu’ils
couvraient de leurs eaux, on peut avancer
comme très-probable, que ces animaux et ces
végétaux ont vécu indigènes aux lieux où leurs
restes se présentent aujourd’hui; la parfaite
conservation de leurs parties les plus fragiles,
ne permet pas de soupçonner qu’ils aient pu
être apportés d’un autre lieu par de violentes
inondations.
1Dans la seconde classe de fossiles, l’auteur
range ces prodigieux rochers d’ossemens, dont
sont hérissées les côtes de la mer Adriatique,
de la Méditerranée, et des îles adjacentes; ces
[Seite 15] masses énormes sont formées de débris sans
nombre d’ossemens aglutinés ensemble par un
ciment calcaire; M. Blumenbach possède plu-
sieurs échantillons de ces fossiles, qui provien-
nent, tant des côtes de la Dalmatie, que de
l’île de Cérigo et du détroit de Gibraltar. Il en
a vu beaucoup d’autres dans les plus célèbres
collections, et sur-tout dans celles d’Angleterre;
à peine lui ont-ils présenté un seul os intact ou
médiocrement conservé, si l’on excepte quel-
ques dents; presque tous sont tellement muti-
lés, brisés, fracassés, qu’ils attestent la vio-
lence d’un bouleversement auquel ils doivent
avoir été livrés. Cependant une grande partie
de ces fragmens est assez reconnaissable pour
qu’on puisse les soumettre à l’examen de l’os-
téologie comparée; à l’aide de cette science,
M. Blumenbach s’est convaincu que ces frag-
mens ne contiennent aucun débris qu’on soit
forcé de rapporter à un animal tout-à-fait in-
connu; mais pourtant on y voit des traces d’a-
nimaux exotiques, et nommément plusieurs
débris de squelette de lion, qui doivent avoir
été apportés d’un autre endroit par une violente
inondation; cette inondation peut avoir ré-
sulté d’une irruption de la mer Caspienne dans
la mer Noire, et de celle-ci dans la mer Médi-
terranée: c’est ce que rendent très-vraisembla-
ble, tant la géographie physique de ces mers
et des terres qui les avoisinent, que les tradi-
tions anciennes de révolutions de ce genre rap-
portées dans Polybe, dans Diodore de Sicile
et dans Strabon; on ne s’étonnera point qu’il
se trouve des dents et des ossemens de lion
dans les rochers dont il vient d’être question,
[Seite 16] si l’on se rappelle qu’autrefois il y a eu des
lions dans la Phrygie, dans le Péloponèse, et
sut-tout dans l’Étoile, entre les fleuves Ache-
loüs et Nessus. Au reste, les faits énoncés ci-
dessus fournissent un exemple frappant des se-
cours et des lumières que l’étude de la nature,
et sur-tout l’étude des fossiles, peut prêter à
l’étude de l’histoire.
Il ne serait pas incroyable, poursuit l’auteur,
que dans cet énorme déplacement des mers,
des hommes eussent été mêlés parmi les autres
proies de la mort; on a même prétendu avoir
trouvé des fossiles d’hommes dans les deux
classes dont il a déjà été question, c’est-à-dire,
parmi les fossiles de Oehningen, et parmi ceux
des côtes de la Méditerranée; mais, par un
examen approfondi de tous ces fragmens, et
sur-tout de ceux de Cérigo et de Gibraltar, tant
de fois vendus et revendus pour des os d’hom-
me, l’on s’est convaincu que jusqu’à présent
il n’a point été trouvé de fossile qui puisse
être rapporté avec quelque certitude au corps
humain. A cette opinion généralement adoptée,
l’auteur ajoute son propre témoignage, particu-
lièrement au sujet d’une tête d’homme pétrifiée,
qui se voit dans le Musée Britannique à Lon-
dres. M. Blumenbach n’a reconnu dans cette
tète, et dans un grand nombre d’ossemens d’hom-
me, prétendus fossiles, que des incrustations
très-récentes; enfin, dans tous les fossiles vé-
ritables qu’il a vus, il n’a jamais pu découvrir
la moindre trace d’un squelette d’homme.
1Parmi les fossiles de la troisième classe, l’au-
teur se borne à citer les dépouilles d’éléphans
et de rhinocéros trouvés en si grande quantité
[Seite 17] dans les marnes, dans les sables, et toujours
à la surface des pays septentrionaux de l’Eu-
rope; qu’aujourd’hui le nombre des éléphans
dont on a déterré les restes, s’élève à plus de
deux cents, pour l’Allemagne seule, et qu’on
y a trouvé près de trente rhinocéros. Plusieurs
habiles géologues ont regardé ces grands qua-
drupèdes fossiles, comme étant de la même es-
pèce que les éléphans et le rhinocéros qui vi-
vent aujourd’hui dans l’Afrique et dans les In-
des orientales, et leur transport dans les régions
septentrionales, a été attribué à une inondation
universelle, qui doit avoir commencé dans l’hé-
misphère austral.
De fortes raisons détournent M. Blumenbach
de cette opinion. On ne peut guère douter que
ce ne soit à des inondations partielles qu’il
faille attribuer le transport de ces cadavres de
grands quadrupèdes dans les couches où nous
les déterrons, et de plus que ces animaux n’aient
vécu indigènes dans nos climats, lorsque l’on
considère que ces fossiles ont été trouvés,
soit dans les vallées voisines de nos grands fleu-
ves, soit dans les gorges qui embrassent le pied
de nos montagnes. A ce sujet, l’auteur cite
deux squelettes du genre des éléphans déterrés
dans le duché de Saxe-Gotha, sa patrie, au-
près du bourg de Tonna, l’un en 1695, l’autre
en 1799. Ces fossiles sont dans l’état de conser-
vation le plus parfait, et ils ont été trouvés dans
les couches de tuf marneux au milieu des co-
quilles fluviatiles; par conséquent tout démon-
tre que, 1°. ils n’ont pas été charriés par une
inondation lointaine; 2°. ils n’ont pas été dé-
posés sur un sol qui eût servi de lit à la mer.
Un autre fait non moins frappant vient à
l’appui de cette conclusion, c’est que dans le pays
de Hanovre, qui est l’un de ceux où l’on ait dé-
terré le plus de fossiles de cette troisième classe,
on a trouvé non-seulement plusieurs cada-
vres réunis dans une même caverne, mais en
quelquesorte des familles entières de grands qua-
drupèdes réunis dans le même tombeau. Il y a
environ cinquante ans qu’on a trouvé, près de la
caverne de Scharzfeld, au pied des montagnes
du Harz, aux environs du bourg de Herzberg,
les restes fossiles de cinq rhinocéros, dont feu
M. Hollmann a consigné une description détail-
lée dans les Mém. de L’Acad. de Gottingue.
On voit dans différentes contrées de l’Eu-
rope, et sur-tout en Allemagne, de vastes ca-
vernes qui méritent toute l’attention des géo-
logues, comme des monumens précieux de l’ar-
chéologie du globe. Les plus célèbres de l’Alle-
magne sont celles du Harz, celles de la Thu-
ringe, celles du Fichtelberg en Franconie, et
celles des monts Krapach qui séparent la Tran-
sylvanie de la Pologne. Dans ces cavernes, on
a trouvé abondamment les os fossiles d’un grand
quadrupède du genre des ours, au sujet du-
quel on n’a pas pu décider, non plus que sur
les éléphans et les rhinocéros dont il a été ques-
tion, s’il existe encore sur notre terre des ani-
maux vivans de la mème espèce.
Quelques naturalistes ont cru avoir trouvé
l’analogue de ces fossiles dans l’ours des con-
trées les plus glaciales du nord (ursus mariti-
mus glacialis)(1).
L’auteur réfute cette opinion par la com-
paraison exacte des différentes parties, et prin-
cipalement des crânes. Il aperçoit un peu plus
d’analogie entre les os fossiles cités, et l’ours
dit ursus arctos; mais, outre que les fossiles en
question sont beaucoup plus grands que les os
de l’ours dit ursus arctos, l’auteur trouve des
différences constantes de structure qui lui in-
terdisent de rapporter ces fossiles à aucune de
ses variétés connues.
M. Blumenbach a poussé cet examen com-
paratif aussi loin que possible, tant à l’aide
des têtes d’ours qu’il possède, que par le moyen
des renseignemens précis que lui a fournis M. Cu-
vier, au sujet d’une tête d’ours qui se voit dans
le Muséum national d’histoire naturelle à Paris,
tête dont le gisement originel n’est point connu,
tête qui diffère également de l’ours (ursus arc-
tos), et de l’ours des contrées glaciales du nord
(ursus maritimus glacialis). En considérant
plusieurs des cavernes dont il a été question
plus haut, et la situation des ossemens d’ours
qui s’y trouvent, l’auteur s’est convaincu qu’ils
n’y ont été apportés, ni par des hommes, ni
par des inondations, comme on l’a prétendu;
il pense, suivant l’opinion de M. Deluc, que
ces cavernes ont été autrefois la demeure et le
tombeau de ces quadrupèdes.
Pêle-mêle avec ces dépouilles d’ours, on a
trouvé, quoiqu’en petite quantité, les restes
fossiles d’un autre grand quadrupède qui, selon
[Seite 20] toute apparence, a appartenu, à l’espèce des
lions ou à celle des tigres, en un mot à la fa-
mille des feles, qui existent aujourd’hui entre les
tropiques parmi les éléphans et les rhinocéros.
On voit dans le Muséum de Gottingue un crâne
de cette espèce, trouvé dans la caverne de
Scharzfeld, au Harz. Quoiqu’il ait existé des
lions vivans en Grèce et en Natolie, M. Blu-
menbach ne pense pas que ces restes fossiles
aient été apportés de ces contrées dans les ca-
vernes où ils se trouvent; mais au contraire,
il est porté à croire que les animaux qu’ils rap-
pellent, ont vécu compatriotes des éléphans
dans le sein de l’Allemagne; il étaye son
opinion de la comparaison de ce phénomène
géologique avec d’autres faits dont il sera ques-
tion ci-dessous; mais de plus, il s’appuie sur
ce que les restes fossiles des éléphans et des
rhinocéros se trouvent dans le voisinage de
ces mêmes cavernes où l’on déterre les os fos-
siles d’ours, comme il a été dit plus haut, au
sujet des rhinocéros du Harz, et comme l’au-
teur vient d’en recevoir une nouvelle preuve
dans l’envoi qui lui a été fait d’os fossiles de
rhinocéros déterrés près d’une semblable ca-
verne (où abondent les os fossiles d’ours), à
Altenstein, dans le duché de Saxe-Meinungen.
En résumant tous ces phénomènes, on peut
admettre comme vraisemblable que les os fos-
siles d’ours, d’éléphans et de rhinocéros dé-
terrés dans l’Allemagne, ont appartenu au-
trefois à des animaux dont les analogues vivent
à présent entre les tropiques, c’est-à-dire, dans
les pays chauds; ce qui ne paraîtra point para-
doxal, ajoute l’auteur, si l’on se rappelle qu’il
[Seite 21] existe aujourd’hui des ours, tans dans l’Afri-
que, que dans les Indes orientales.
Mais, continue M. Blumenbach, si ces
grands quadrupèdes terrestres qui vivent au-
jourd’hui entre les tropiques, ont autrefois
vécu dans nos climats, nous devons aussi nous
attendre à trouver, parmi les fossiles de nos
contrées, des animaux aquatiques analogues
à ceux qui vivent entre les tropiques. Cette
conjecture est réalisée, non-seulement par un
grandinombre de testacées que l’on trouve dans
les couches de marne et de sable de toute l’Eu-
rope, et particulièrement de l’Allemagne, mais
sur-tout par les fossiles qui abondent dans le
schiste calcaire des célèbres carrières de Pap-
penheim et d’Eichstell en Franconie. Dans ces
schistes, on trouve un nombre infini d’ani-
maux; ils ne sont pas tous marins; car l’au-
teur a vu à Nuremberg, dans la collection de
M. de Hagen, un schiste de Pappenheim au-
quel adhèrent les os brachiaux d’un animal
reconnaissable pour le chiroptère, que Buffon
désigne sous le nom de roussette, communé-
ment nommé chien-volant, vespertilio cani-
nus. (Voyez Blumenbach’s Handbuch der
Nat.-Gesch. page 76).
Mais tous ces animaux sont bien caractéri-
sés, et très-différens de ceux qui se rencon-
trent à l’état fossile dans les couches de chaux
carbonatée grossière. Jusqu’à présent on n’a
trouvé parmi eux nuls vestiges d’ammonites,
de bélemnites, d’encrinites; ce sont au con-
traire des poissons, des gammarites et des
astérites. Un grand nombre de ces fossiles ont
leurs analogues dans les mers des Indes orien-
[Seite 22] tales; à cet égard, l’auteur cite de préférence
l’aptère dit manoculus polyphemus, dont il a vu
un superbe fossile dans le cabinet de M. d An-
none, professeur à Bale. (Voyez Blumenbach’s
Handbuch, etc. page 407).
La plupart des fossiles enfouis dans les schis-
tes de Pappenheim et d’Eichstell, mais sur-tout
les cancres qui s’y trouvent avec toutes leurs
articulations, et les astérites fragiles dites pec-
tinitae, sont des morceaux si bien conservés, et
qui exigent tant de ménagemens dans une col-
lection, qu’il n’est pas possible de songer, en
les voyant, à une inondation qui les aurait
apportés d’une autre hémisphère.
Il en est de même des coquilles fossiles qui
se trouvent en si grand nombre, et si bien
conservées au pays de Hanovre et au pays d’Os-
nabrück, dans les couches de marne et de sa-
ble, et dont les analogues existent encore dans
les mers australes, mais sur-tout dans l’Océan
Atlantique et dans la mer des Indes. A ce su-
jet, M. Blumenbach présente, gravés à la suite
de son Traité, quatre échantillons des plus cu-
rieux, choisis parmi les testacées, tant multi-
valves que bivalves, qui sont dépourvus de
locomobilité, et par cette dernière circons-
tance, il prouve de nouveau que ces fossiles
ont appartenu à des animaux autrefois indi-
gènes dans les lieux où on les déterre aujour-
d’hui.
J’indiquerai les fossiles par les noms latins
que leur donne M. Blumenbach, dans son
Traité, et je me contenterai de renvoyer, pour
l’histoire des êtres vivans qui s’en rapprochent,
à son excellent Manuel d’Histoire naturelle
[Seite 23] (Handbuch der Natur-Geschichte, 7e. édition.
Gottingue, 1803).
1°. Balanites porosus. Ce fossile abonde dans
la principauté d’Osnabrück, au bourg d’As-
trup, aux carrières de marne. (Voyez Lepas
balanus, page 439 de l’édition citée).
Le balanites porosus a cela de remarquable,
qu’il est formé de testacées appliqués symé-
triquement sur un caillou roulé, phénomène
que le célèbre Guettard s’étonnait de n’avoir
jamais rencontré(1). La grosseur du fossile
entier varie entre celle d’une noix et celle d’une
balle de paume. Quelquefois les balanites sont
amoncelées sur la coquille bivalve dite anomia
venosa, ou terebratulites grandis, dont il est
question plus bas. (Voyez édit. cit. page 447).
Les testacées analogues qui se trouvent sur
les côtes de la presqu’lle, en-deçà du Gange,
sont plus petites. A cet égard, l’auteur ob-
serve qu’en général les fossiles les plus sem-
blables à leurs analogues, les surpassent ce-
pendant de beaucoup en volume.
2°. Lepadites anatifer. Ce fossile très-rare
n’a été trouvé qu’au bourg de Gehrden, près
de Hanovre. (Voyez Lepas anatifera, p. 440
de l’édition citée).
Deluc en fait mention dans ses Lettres phy-
siques et morales, tome 2, page 260.
3°. Ostracites sulcatus, se trouve aussi au
bourg de Gehrden, près de Hanovre. (Voyez
Ostrea folium, page 446 de l’édit, cit.).
Ce fossile est remarquable, en ce que sa val-
vule inférieure porte une rainure canaliculée,
par le moyen de laquelle il semble que le co-
quillage ait été adhérent à une gorgone, ainsi
que le sont les huîtres analogues de la mer des
Indes.
4°. Terebratulites grandis, se trouve dans
les marnes d’Osnabrück. (Voyez Anomia,
page 447 de l’édition citée).
Cette coquille fossile est remarquable, tant
par la grandeur de ses deux valves, que par
celle d’une ouverture qui sert de passage à un
tendon, au moyen duquel les térébratules s’at-
tachent aux rochers. Son analogue, suivant
Dixon, est l’anomia venosa de l’Océan Atlan-
tique austral.
L’auteur se bornant à citer ces coquilles fos-
siles, bien remarquables dans le grand nombre
de celles qui sont connues, admet comme très-
vraisemblable, que tous les animaux dont il a
été question dans cette troisième classe de fos-
siles, animaux vivant aujourd’hui entre les tro-
piques, ont vécu jadis contemporains dans le
sein même de l’Allemagne.
Ainsi, conclut-il, les fossiles de cette troi-
sième classe ne doivent pas, comme ceux des
deux premières, être rapportés à des révolu-
tions partielles, mais bien à un changement
général de température dans les climats de la
terre; c’est à ce même changement de tempé-
rature, quelle qu’en ait été la cause, qu’il faut,
ce me semble, attribuer la destruction totale
[Seite 25] de certaines espèces d’animaux, dont on a dé-
terré les restes fossiles, mais dont la zoologie
ne retrouve aujourd’hui aucune trace parmi
les êtres vivans; le fossile le plus remarquable
de ce genre, est le mammut ohioticum, dit
l’incognitum de l’Ohio, grand quadrupède,
dont on a trouvé les ossemens dans l’Amérique
méridionale, dans l’Europe, et dans le sein
même de l’Allemagne. (Voyez Blumenbach’s
Handbuch der Natur-Geschichte, page 723 de
l’édition citée). (Voyez l’ouvrage du même
auteur, Abbild. nat. hist. Gegenst. 2e. cahier,
planche 19).
Je ne veux pas omettre de dire ici quelques
mots d’un animal dont M. Blumenbach fait
mention dans les deux ouvrages que je viens
de citer, comme d’une espèce qui existait en-
core il y a deux siècles, et que l’on ne retrouve
plus aujourd’hui parmi les espèces vivantes.
C’est un oiseau du genre des struthiones (au-
truches, etc.), dit cygnus cucullatus, et le
plus souvent didus-ineptus. Cet oiseau, de la
taille d’un oie, vivait à l’île de Bourbon et à
l’île de France, vers la fin du seizième siècle;
on l’a vu, dans le siècle suivant, empaillé
dans plusieurs collections de l’Europe; au-
jourd’hui on en voit une patte dans le Muséum
Britannique à Londres, et le Cabinet dit Mu-
saeum d’Ashmol, à Oxford, possède une tête
de Didus-ineptus, qui ne ressemble à celle d’au-
cun autre oiseau(1). Plusieurs naturalises ont
[Seite 26] mieux aimé nier totalement l’existence de cet
animal, que d’admettre la destruction si ré-
cente de son espèce; mais M. Blumenbach, en
recueillant les preuves de son existence, qui
semble incontestable, pense que l’on peut ex-
pliquer sa destruction par la facilité avec la-
quelle ces oiseaux pesans ont dû se laisser
prendre jusqu’au dernier, et par le peu de
soin que l’on a dû apporter à leur conserva-
tion, vu leur peu d’utilité(1).
Quoi qu’il en soit, mon objet est seulement
de faire remarquer ici qu’une destruction pa-
reille d’espèce n’a rien de commun avec la des-
truction des espèces d’animaux inconnus, ran-
gées par l’auteur, comme appendice, dans la
classe des fossiles de la troisième classe; car,
à l’égard de ceux-ci, on ne trouve des indices
de leur existence que dans les lieux mêmes qui
attestent que leur espèce a dû être détruite tout-
à-coup par une grande catastrophe, et à une
époque très-reculée. Qu’on me pardonne une
digression que j’ai cru nécessaire pour préve-
nir une objection qui me semblerait peu fon-
dée: revenons au Traité. Parmi les fossiles d’a-
nimaux aquatiques, dont on ne retrouve point
des analogues vivans, l’auteur indique un grand
nombre de testacées disséminés dans les cou-
ches d’alluvion, ou enfoncés dans les schistes
de Pappenheim, dont il a été question ci-dessus.
[Seite 27] Entre ces derniers, l’auteur cite l’astérite
énigmatique radiée, qu’il pense avoir été faus-
sement rapportée en l’espèce dite tête de mé-
duse. (Voyez page 467 et suiv. de l’édit. cit.
Handbuch der Natur-Geschichte).
5Relativement à la quatrième classe de fos-
siles, l’auteur rappelle les sommités des Alpes
de la Suisse, couvertes de calcaire secondaire,
dans lequel il a vu des familles entières de co-
quilles marines qui semblent y avoir été dépo-
sées tranquillement. De plus, il a rapporté de
ses voyages d’Angleterre de très-beaux échan-
tillons de plantes trouvées dans les houillères à
plus de mille pieds au-dessous du niveau ac-
tuel de la mer; ces fossiles, pour la plupart,
dépourvus d’analogues vivans, lui semblent se
rapporter à un état de la terre tout différent
de celui dans lequel nous la voyons aujour-
d’hui. En considérant les phytolithes tout-à-fait
inconnues, qui abondent dans le grès gris schis-
teux (Grauwacken schiefer) du Harz, il est
porté à les regarder comme les traces les plus
anciennes des premiers êtres organisés qui aient
existé sur notre planète.
L’auteur en revient ensuite à présenter quel-
ques animaux fossiles de cette quatrième classe,
qu’il appelle préadamique, s’il en fut. (Hu-
jus classis fossilium certè, si quae alia praea-
damiticae). Presque tous ont cela de fort inté-
ressant, qu’ils sont peu connus, et trouvés
dans le pays de Hanovre.
Je les indiquerai comme ceux de la classe
précédente, en renvoyant, lorsqu’il y aura
lieu, à l’ouvrage de M. Blumenbach, intitulé:
Handbuch der Natur-Geschichte.
1°. Sepiarum rostra. Ce fossile se trouve
abondamment, et de plusieurs variétés, dans
le calcaire grossier de la montagne dite Heyn-
berg, au pied de laquelle est située la ville de
Gottingue. (Voyez page 433 de l’édition citée).
Il est remarquable, en ce qu’il semble être le
seul débris du genre des mollusques qui se ren-
contre parmi les fossiles; il paraît cependant
se rapporter réellement à la sèche sepia, mal-
gré ses différences avec les espèces aujourd’hui
existantes.
2°. Orthoceralites gracilis. Ce fossile a été
trouvé au Harz, dans une mine de plomb au-
jourd’hui abandonnée, dite der KoenigDavid,
sur la montagne de Traenkeberg, entre la ville
de Clausthal et celle d’Andreasberg; il est re-
marquable en ce qu’il adhère à un schiste ar-
gileux; gisement peu commun. L’échantillon
que possède M. Blumenbach est parfaitement
cylindrique, imprégné de pyrite, long d’un
pouce et demi, et gros comme une plume
d’oye; il présente dix articulations qui sont
convexes du côté par lequel elles tiennent les
unes aux autres, concaves de l’autre coté,
et toutes attenantes à un siphon. Ce fossile
énigmatique est rare dans le pays de Ha-
novre.
3°. Ammonites sacer. L’ammonite se trouve
abondamment aux environs de Gottingue; il
est en général très-commun, et l’auteur ren-
voye à cet égard, à la description des fossiles
très-variés de ce genre, publiée par Hollmann.
Mais il présente le dessin exact de l’ammonite
sa crée que les habitans de l’Inde orientale ve-
nèrent comme un symbole des métamorphoses
[Seite 29] de leur dieu Wishnou, de même que les am-
monites d’Éthiopie étaient, au rapport de
Pline, l’objet de la vénération publique. Cet
échantillon d’ammonite sacrée, apporté des
Indes par un homme très-digne de foi, offre
à la vue une pierre marneuse, arrondie et dé-
primée, au sein de laquelle on reconnaît, par
une ouverture latérale, l’empreinte exacte d’une
ammonite. Ce fossile, qui s’appelle en indien
salgram, se trouve près de Patna parmi les
cailloux du fleuve, vers l’endroit où le Gan-
dica se jette dans le Gange.
4°. Serpulites coacervatus. Ce petit testa-
cée se trouve abondamment près de Wen-
nigsen, aux environs de la forêt de Deister, à
un mille de Hanovre; là, s’étendent des cou-
ches de pierre calcaire, qui semblent n’être for-
mées que de serpulites agglomérées par mil-
lions. L’auteur distingue ce phénomène, tant
des amas connus de phacites sans analogues
vivans, que des autres espèces de serpulites qui
se rencontrent adhérentes à des bélemnites et à
des ostracites. On lit dans son ouvrage intitulé:
Abbild. n.h. Gegenstaende, (4e. cahier, plan-
che 40), une description des phacites fossiles
(Linsenstein) ou pierres en lentilles, qui for-
ment de vastes couches en Brabant, en Basse-
Égypte, auprès des pyramides, et dans le can-
ton de Lucerne. Strabon, le plus ancien auteur
qui parle de ces fossiles, n’hésite pas à les re-
garder comme des lentilles pétrifiées. Depuis,
on a proposé, au sujet des phacites, bien
des opinions diverses, sans pouvoir deviner
l’énigme; M. Blumenbach regarde ce fossile
comme appartenant à une espèce détruite
[Seite 30] de polythalamius(1). Quoi qu’il en soit, il est
constant que les phacites et les serpulites sont
deux espèces fort différentes. Les serpulites
dont il est ici question, sont de très-petits tes-
tacées, presque tous d’une couleur laiteuse
et parfaitement conservés; la longueur de
chacun est environ six lignes, et l’épaisseur
un vingtième de pouce; chacune est un tube un
peu courbe, et légèrement strié en travers(2).
Jusqu’à présent on n’a point trouvé de pha-
cites dans le pays de Hanovre où les serpulites
abondent.
5°. Bitubilites problematicus. Ce fossile se
trouve à la montagne de Heynberg, près de
Gottingue, mais le plus souvent en petits frag-
mens. Il présente deux tubes cylindriques pa-
rallèles et droits, du diamètre d’une plume
d’aile de cygne, le plus souvent séparés l’un de
l’autre par un intervalle de trois lignes, et en-
fermés tous les deux dans une espèce de gaine.
On peut comparer cette disposition à celle de
deux doigts réunis dans une même enveloppe.
Les deux tubes et la gaine sont pyritisés; la
cavités des tubes est le plus souvent remplie de
chaux carbonatée; l’intervalle qui se trouve,
tant entre les deux tubes, qu’entre eux et la
gaine, présente un calcaire grossier qui d’ail-
leurs sert de matrice à tout le fossile. Souvent,
outre les deux tubes principaux dont il vient
[Seite 31] d’être question, on en remarque deux autres
qui ont tout au plus la grosseur d’une plume
de moineau; ceux-ci sont aussi parallèles en-
tre eux, mais tellement disposés, que dans la
coupe transversale du fossile, les axes des
quatre tubes correspondent aux quatre angles
d’un rhombe qui aurait ses deux angles obtus
placés sur les deux tubes minces. L’échantillon
que possède M. Blumenbach a tout au plus qua-
tre pouces de long. Au reste, les dimensions
des tubes et de la gaine sont très-variables; dans
l’échantillon le plus considérable qu’on ait trou-
vé, la gaine avait à-peu-près la grosseur de
l’avant-bras.
6°. Asterites scutellatus. Ce fossile se trouve
à la montagne de Heynberg; près de Gottingue,
parmi les testacées, et notamment parmi les té-
rébratules. Son extérieur diffère tout-à-fait des
astéries vivantes connues, ou du moins de
celles dont il existe des descriptions.
7°. Oolithes genuinus. Ce fossile se trouve
très-abondamment dans le pays de Hanovre,
et nommément aux environs de Gottingue. A
cet égard, l’auteur rappelle que c’est depuis
long-tems une grande question que d’examiner
s’il se trouve réellement des oeufs fossiles, soit
de poissons, soit de testacées, soit de crusta-
cées, en un mot, des oolithes. M. Blumenbach
semble avoir résolu le problème par ses obser-
vations, tant sur le sommet de la montagne de
Hube, près d’Eimbeck, entre Gottingue et Ha-
novre, que près du bourg de Brüggen. Là, d’é-
normes masses de pierre calcaire sont entière-
ment formées de fragmens et d’articulations
d’encrinites, parmi lesquelles il se trouve aussi
[Seite 32] des échantillons complets et bien conservés de
ce genre de crustacées. On peut voir dans l’ou-
vrage de M. Blumenbach, intitulé: Abbild. n.
h. gegenstaende, 6e. cahier, planche 60, un
dessin exact de l’encrinite fossile, connue en
Allemagne sous les noms impropres de lilien
stein (lys pétrifié), ou de see lilien, lys de
mer. Ce fossile, qui abonde dans les couches cal-
caires du Heynberg, près de Gottingue, et dans
beaucoup d’autres parties du pays de Hanovre,
est regardé par l’auteur comme une espèce dé-
truite, et comme un reste d’être organisé, praea-
damitique. Pêle-mêle avec ces encrinites, se
présente aux lieux indiqués ci-dessus (Hube et
Brüggen), une foule de petits corps globuli-
formes sur lesquels, au moyen d’une coupe nette
et polie, on distingue constamment une enve-
loppe ou coque, dont le contenu est réduit en
une substance pierreuse. Dans la coupe générale
d’un tel échantillon, chacune des coques visi-
bles présente une forme plus ou moins oblon-
gue, selon la direction donnée au plan coupant.
La texture de ces coques est tellement semblable
à celle que l’on reconnaît dans les oeufs de plu-
sieurs animaux aquatiques, leur adhérence aux
encrinites ou leur disposition respective, sont
des phénomènes si constans dans tous les échan-
tillons observés, que l’auteur est très-porté a
regarder ces petits corps globuliformes comme
les oeufs de ce crustacée fossile qui doit autre-
fois avoir vécu dans le sein de la mer(1).
8°. Madreporites cristalus. De toutes les li-
[Seite 33] thophytes ou coralliolythes que présentent si
abondamment les bords du Harz, l’auteur se
borne à offrir un échantillon remarquable de
celles qu’on trouve sur la pierre calcaire de la
montagne de Winterberg, près de la ville de
Grund. Il lui semble très-propre, ainsi que les
rochers de coralliolythes, qui entourent le pied
des plus hautes montagnes du Harz, à jeter un
grand jour sur l’état primitif de cette partie du
pays de Hanovre. Vraisemblablement la mon-
tagne du Brocken, aujourd’hui haute de 573
toises au-dessus du niveau de la mer, aujour-
d’hui le point le plus élevé du Harz, et l’un
des plus élevés de toute l’Allemagne septentrio-
nale, a été, dans l’ancien océan, une île dont
les côtes sous-marines étaient environnées d’une
multitude de coraux, ainsi que le sont aujour-
d’hui les côtes de tant d’îles connues, et sur-tout
dans la mer Pacifique. A cette même époque si
reculée, le fond de cet océan, qui baignait le
pied du Brocken, reposait sur les campagnes, au
sein desquelles s’élève aujourd’hui la ville de
Gottingue, et sur les autres points les plus bas
du pays de Hanovre, où il nourrissait des fa-
milles sans nombre de testacées.
8Au reste, que ces habitans de l’océan primitif
fussent ou non des coraux ou des testacées, il
n’en est pas moins vrai que chaque jour on dé-
couvre de nouvelles différences entre la plupart
des fossiles qui, nous attestent leur existence et
les animaux qui, aujourd’hui peuplent le sein des
mers. Cependant on ne peut nier, ajoute l’au-
teur, que dans notre quatrième classe de fossiles
qui se rapporte aux époques les plus reculées,
on n’ait trouvé plusieurs espèces qui présentent
[Seite 34] la plus parfaite analogie avec des êtres organisés
encore existans, soit dans le règne animal, soit
dans le règne végétal; ces espèces semblent ne
pouvoir se ranger ni parmi les fossiles douteux,
ni parmi les fossiles inconnus; à leur égard, l’au-
teur propose les deux questions suivantes:
1°. Ne peut-on pas admettre que les analo-
gues vivans, qui se rapportent à de tels fossiles
reconnaissables, proviennent de quelques indi-
vidus échappés au désastre d’une révolution
quelconque, dans laquelle ont été anéanties les
autres espèces contemporaines?
2°. N’est-il pas plus vraisemblable que les ani-
maux et les végétaux de la terre primitive aient
péri tous ensemble dans une grande catastro-
phe, et que la nature, en repeuplant la terre
de nouveaux êtres organisés, ait donné à quel-
ques animaux et à quelques végétaux de cette
seconde création, un extérieur très-semblable
à celui que quelques-uns des individus anéantis
avaient reçu lors de la première?
L’auteur appuie fortement cette seconde con-
jecture. Qu’on se rappelle, dit-il, que le nom-
bre des espèces de fossiles, dont les analogues
bien déterminés vivent encore, est fort peu con-
sidérable, et que la physiologie, en observant
les diverses manières, dont les corps organisés
se propagent, démontre qu’elles sont dans des
rapports très-divers, tant avec les propriétés et
les mélanges de la matière constituante de ces
corps, qu’avec les qualités des alimens qui leur
conviennent, et la nature du climat et du sol
qu’ils habitent. En effet, parmi les corps orga-
nisés, les uns sont en quelque sorte des variables
qui se ressentent facilement des changemens
[Seite 35] introduits dans les données de leur existence,
changemens d’où résultent différentes dégéné-
rations; les autres, au contraire, plus constans
dans leur forme et dans leur manière d’ètre, les
conservent presqu’entièrement dans tout climat;
il en est qui s’accoutument facilement à vivre sur
un sol et sous un ciel quelconques; il en est qui
voués exclusivement à une patrie, ne peuvent
en supporter une autre.
Puisqu’il existe de nos jours, dans les corps
organisés, des rapports si variables à cet égard,
devrait-on beaucoup s’étonner qu’après ces
grandes catastophes, auxquelles toute la terre
a été livrée, la nature qui change tout, et de
forme et de place, eût voulu rendre à la terre
régénérée quelques animaux et quelques plantes
de la première création, en même tems qu’elle
remplaçait le plus grand nombre des individus
anéantis par d’autres genres et d’autres espèces
plus convenables au nouvel état du globe.
L’auteur termine son Traité par ces paroles
de Lucrèce:
‘«Le tems change la nature de tout l’univers;
la terre passe successivement d’un état à un
autre; ce qui a été possible ne l’est plus; ce
qui était impossible a cessé de l’être»’.
Qu’il me soit permis d’arrêter l’attention des
naturalistes sur l’idée de M. Blumenbach, qui
me semble neuve et profonde; en effet, comme
dans l’état actuel de la terre nous voyons une
foule de corps organisés, liés en quelque sorte
à un climat, à un pays, à un sol, à une nour-
riture, à un genre de vie déterminé, tandis que
d’autres peuvent exister partout et s’accommo-
dent de tout; de même aussi l’on peut admettre,
[Seite 36] ce me semble, qu’après une grande catastro-
phe qui doit avoir bouleversé toute la terre, il
y ait eu une régénération de la nature, une se-
conde création, par laquelle plusieurs corps or-
ganisés ont pu exister de nouveau avec la même
forme et la même manière d’être que leurs de-
vanciers avaient eues avant la catastrophe,
parce que cette forme et cette manière d’être
se trouvaient convenir aussi bien au nouvel
état des choses qu’à l’ancien; mais en même-
tems le plus grand nombre des êtres organisés
détruits par la catastrophe, semble n’avoir été
rendu à la terre par la seconde création, qu’avec
des modifications et souvent des changemens
absolus d’espèce, de forme et de manière d’être;
enfin, la plupart des anciens êtres détruits,
semblent avoir été remplacés par de nouveaux
êtres créés pour une nouvelle terre, pour une
mer nouvelle, et peut-être pour une atmosphère
totalement renouvelée.
Ne serait-il pas possible, à force de recher-
ches géologiques, de mettre en harmonie com-
plète le témoignage des fossiles et les traditions
anciennes, qui dans plusieurs religions, d’ail-
leurs très-différentes les unes des autres, con-
servent le souvenir d’une grande catastrophe
à laquelle toute la terre doit avoir été livrée?
Voyez dans les ouvrages de M. Blumenbach, 1°. Ma-
nuel d’Histoire naturelle, Handbuch der Natur-Ges-
[Seite 19] chichte, édition de Gottingue, 1803, pages 93 et 94.
2°. Abbildungen natur Historischer Gegenstaende, Gra-
vures d’objets d’histoire naturelle, 4e. cahier, planche 33.
Guettard dit, dans les Mémoires de l’Académie des
Sciences, année 1759, page 204: ‘«Il est singulier que les
cailloux roulés ne soient jamais chargés de corps ma-
rins»’; et page 206, il ajoute: ‘«Ce serait donc une
découverte que de trouver un caillou ou toute autre pierre,
qui aurait toutes les marques d’avoir été anciennement
roulé par la mer, chargé de coquilles fossiles»’.
Le Cabinet de l’Université d’Oxford, s’appelle Mu-
saeum Ashmoleanum, du nom de d’Ashmol qui l’a fondé
dans le dix-septième siècle.
Voyez à cet égard les ouvrages suivans de M. Blu-
menbach, 1°, Handbuch der Natur-Geschichte, page 203,
édit. cit. 2°. Abbild. n.h. gegenstaende, 4e. cahier,
planche 35. 3°. Beytrage zur natur geschichte, page 28 et
suivantes.
Le polythalamius, dont il est ici question, a quelque
ressemblance avec les ammonites; mais cependant M. Blu-
menbach trouve entre eux des différences très-marquées.
Voyez Handbuch der Natur-Geschichte, page 464,
à l’article Serpula; et Abbild. n.h. Gegenstaende, à l’ar-
ticle Serpula contortuplicata, 4e. cahier, planche 59.
Voyez Handbuch der Natur-Geschickte, édit. cit.
article Encrinus, page 469, et article Crustacea, pag. 730.